L’approche humaine et bienveillante est primordiale en maison de retraite, surtout lorsqu'il s'agit de rassurer les familles qui confient leurs proches à ces établissements. Offrir un cadre de vie respectueux, où chaque résident est traité avec dignité, est essentiel pour leur bien-être et leur qualité de vie. C'est dans cette optique que la philosophie de l'Humanitude prend tout son sens en proposant une approche révolutionnaire des soins aux personnes âgées, axée sur le respect de leur individualité et sur l'établissement de relations de confiance entre soignants et résidents. Cet article explore les fondements de l'Humanitude, ses piliers, et la démarche pour obtenir le label, garant de cette méthodologie.
Qu’est-ce que l’Humanitude ?
L'Humanitude, une philosophie de soin développée par Yves Gineste et Rosette Marescotti en 1995, vise à garantir un accompagnement respectueux et empathique des personnes âgées ou dépendantes, en particulier celles atteintes de la maladie d'Alzheimer[3].
Cette approche, fondée sur la bientraitance, a prouvé son efficacité dans les établissements socio-médicaux, notamment les EHPAD[1], où elle est aujourd'hui intégrée à la formation des soignants.
L'Humanitude place la personne vulnérable au centre des soins, en tenant compte de ses spécificités humaines : son besoin de rester debout, de communiquer, et de maintenir une relation avec les autres, malgré la perte de ses capacités cognitives. En réponse à cela, la méthodologie propose plus de 150 techniques innovantes pour prendre soin de la personne tout en préservant sa dignité et son autonomie.
Quels sont les quatre piliers de l’humanitude ?
L'Humanitude repose sur quatre piliers fondamentaux pour instaurer une relation de confiance et de respect entre les soignants et les résidents.
Le toucher
Le toucher, premier des quatre piliers de l'Humanitude, est un outil fondamental de communication et de connexion dans les soins. Pour Yves Gineste et Rosette Marescotti, le toucher ne se limite pas à un simple contact physique ; il incarne un geste de réconfort et de présence, essentiel pour réduire l'anxiété et favoriser le lien de confiance entre le patient et le personnel médical et paramédical.
Dans un contexte où la communication verbale peut être limitée, notamment chez les personnes atteintes de démence, le toucher devient un moyen de communication essentiel. Des études ont notamment montré que le toucher thérapeutique peut diminuer la douleur perçue et améliorer le bien-être général du patient.
De plus, ce geste empathique facilite l'établissement de la confiance, contribuant à briser l'isolement et à améliorer l'humeur des résidents. Un toucher adapté, bienveillant et respectueux devient alors un pont vers une relation de soin plus humaine et bienfaisante.
Le regard
Le regard, deuxième pilier de l'Humanitude, permet d’établir une connexion visuelle respectueuse avec la personne âgée. Il est important qu’il soit direct et bienveillant, et qu’il reconnaisse l’individualité du patient.
Dans les soins, le regard va permettre de créer un lien profond, en particulier avec des personnes dont la capacité à s'exprimer est réduite. En observant les expressions faciales, le soignant peut arriver à décoder les émotions non exprimées oralement et adapter sa prise en charge en fonction des besoins de son patient.
La parole
La parole, troisième pilier de l'Humanitude, sert avant tout à maintenir le respect et la dignité du patient, partant du principe que même lorsqu’une personne est atteinte de troubles cognitifs comme la maladie d’Alzheimer[3], il est crucial de lui parler comme à un interlocuteur valide.
La parole permet de maintenir le lien social et de rassurer le senior, réaffirmant ainsi son humanité. Il s’agit là de décrire chaque étape du soin, d’expliquer chaque geste réalisé, sans attendre de réponse, simplement dans le but de tranquilliser le résident. L’objectif est de lui permettre de se sentir acteur de son propre soin, renforçant ainsi son sentiment de valorisation et son autonomie.
La verticalité
La notion de verticalité souligne l'importance de maintenir les résidents en position debout aussi longtemps que possible. En effet, le fait de rester debout est un symbole de vie et d'autonomie. Dans la philosophie Humanitude, « Vivre et mourir debout » est un principe clé, car la position allongée, souvent associée à la dépendance[4] totale, peut accélérer la perte de repères et la dégradation physique des personnes âgées.
La verticalité s’étend également à la communication, en impliquant les résidents dans les décisions qui concernent leurs soins, respectant ainsi leurs choix et préférences. En soutenant activement cette démarche, les soignants renforcent l’indépendance des résidents, leur bien-être psychologique, et améliorent les résultats des soins.
Quels sont les cinq principes de l’humanitude ?
La méthodologie Humanitude repose sur cinq principes fondateurs, qui structurent chaque geste de soin dans les établissements pratiquant cette approche.
Zéro soin de force sans abandon de soin
Ce principe fondamental de l'Humanitude repose sur l'idée qu'aucun soin ne doit être imposé contre la volonté du résident. Cependant, cela ne signifie pas qu'il faille renoncer au soin, mais plutôt qu'il faut faire preuve de flexibilité et d’adaptation dans la manière de le proposer. Plutôt que de contraindre, il est essentiel de respecter les besoins, les rythmes et les souhaits de la personne, même lorsque cela implique de reporter un soin.
Cette approche nécessite une compréhension approfondie de chaque résident. Il est crucial de décoder les refus de soins, qui peuvent être liés à des peurs, à une incompréhension, ou à des douleurs. Une bonne communication et une observation attentive permettent souvent d’identifier la cause du rejet et de trouver des moyens d’adapter le soin à la situation. Par exemple, un résident peut refuser un bain à un moment précis, mais accepter ce même soin plus tard, lorsqu'il se sentira plus en confiance ou reposé.
Vivre et mourir debout
Le maintien des résidents en position verticale, autant que possible, est un enjeu fondamental de l’Humanitude. En plus de favoriser leur autonomie physique et psychique, cela permet aux seniors de rester acteurs de leur vie, même dans les moments les plus difficiles. Pour les personnes dépendantes, l'évaluation régulière de leurs capacités est essentielle. Cela permet de déterminer le type d'aide nécessaire pour continuer à effectuer des activités quotidiennes, telles que la toilette, en position debout. En outre, la verticalisation et la marche, avec un soutien adapté, pendant une vingtaine de minutes par jour, stimulent les capacités motrices des résidents et aident à retarder la perte d'autonomie.
Respect de l’intimité et de la singularité
Chaque personne est unique, et ce principe insiste sur le respect de l’individualité de chacun. Cela passe par la reconnaissance des préférences, des habitudes de vie et du rythme propre à chaque résident, mais aussi par :
- la prise en compte de la citoyenneté des résidents ;
- le respect du lieu de vie comme un domicile personnel ;
- la reconnaissance et le respect de la sexualité des résidents ;
- une organisation des soins adaptée aux rythmes individuels, notamment en matière de sommeil ;
- la mise en place d’un projet d’accompagnement personnalisé (PAP).
Ouverture sur l’extérieur
Ce principe d’ouverture vise à maintenir les résidents connectés au monde extérieur, en préservant leur liberté de mouvement et en favorisant les interactions sociales. Il est essentiel d'encourager les visites régulières des proches pour maintenir des liens familiaux forts, tout en créant un environnement ouvert aux échanges avec la communauté.
Cela peut se traduire par des sorties culturelles, des promenades ou la participation à des événements locaux, permettant ainsi aux résidents de continuer à vivre pleinement et à nourrir leurs relations sociales.
Lieu de vie - lieu d’envies
Le principe « Lieu de vie - lieu d’envies » met l'accent sur la transformation de la maison de retraite en un véritable lieu de vie, où les résidents peuvent s’épanouir. Il s’agit avant tout de créer une ambiance agréable, avec un cadre soigné, chaleureux et accueillant, où l’attention est portée aux détails comme la décoration, l'éclairage, et la qualité de la restauration. Ces éléments contribuent à rendre l'environnement plus convivial et à favoriser le bien-être des résidents.
De plus, encourager une dynamique sociale vivante est essentiel. Cela implique de stimuler les interactions entre les résidents, en favorisant des moments de partage autour de repas, de jeux ou d’activités communes. Des activités collectives et socioculturelles engageantes, telles que des ateliers créatifs, des projections de films ou des événements festifs, permettent de maintenir un lien fort avec la vie en société, tout en respectant les envies et intérêts individuels.
Comment mettre en pratique les principes de l’humanitude en maison de retraite ?
Pour appliquer les principes de l’Humanitude dans une maison de retraite, il est essentiel de former les soignants à cette méthodologie. La démarche Humanitude implique un changement de perspective, où chaque soin est vu comme une interaction positive. Les soignants doivent être attentifs à la manière dont ils approchent les résidents, en intégrant les quatre piliers dans leurs gestes quotidiens.
Les établissements doivent également mettre en place des espaces de vie adaptés, favorisant la mobilité et l’autonomie des résidents. Le respect de l’intimité est aussi crucial, avec des espaces privatifs permettant aux résidents de préserver leur dignité.
Comment obtenir le label Humanitude ?
Le label Humanitude s’appuie sur un référentiel précis qui évalue la qualité des soins, la vie sociale, et la qualité de vie au travail des professionnels. Pour garantir la transparence et la régularité des prestations, l’établissement doit respecter des critères stricts de qualité, traduits dans un cahier des charges exigeant. Tous les membres de l’équipe sont impliqués dans cette démarche, depuis la direction jusqu’aux soignants, afin de maintenir un niveau constant de bientraitance.
La formation Humanitude
La démarche vers le Label Humanitude s'articule en quatre étapes :
- le pilotage consiste à obtenir l'accès au référentiel Humanitude en signant une convention avec les Instituts Gineste-Marescotti ;
- la formation de deux jours pour apprendre à piloter le projet et à évaluer les pratiques ;
- une auto-évaluation annuelle, qui permet d'identifier les points forts, les axes d'amélioration et d’adapter les soins aux besoins des résidents ;
- l'approfondissement par une analyse détaillée des résultats de l’auto-évaluation, accompagnée de recommandations.
Une formation annuelle aide à renforcer les pratiques et à pérenniser la démarche de bientraitance.
L’obtention du label Humanitude en EHPAD[1]
Le label est délivré par l’association Asshumevie, spécialisée dans la bientraitance. Elle accompagne les établissements dans leur démarche et garantit que les critères de bientraitance sont respectés sur le long terme.
Le label est accordé pour une période de cinq ans, au terme de laquelle une nouvelle évaluation complète est réalisée pour renouveler la certification. Cette évaluation est effectuée par des visiteurs formés, qui parcourent la France pour s'assurer que les structures labellisées continuent de répondre aux exigences du référentiel Humanitude.
Laissez un commentaire