Habilitation familiale : peut-on désigner une personne extérieure de la famille ?

Habilitation familiale peut-on désigner une personne extérieure de la famille
Maisons de retraite

Lorsqu’un proche vulnérable perd en autonomie, la gestion de ses affaires quotidiennes devient un défi majeur. Cette situation est particulièrement critique lorsqu’un placement en EHPAD[1] est envisagé, impliquant des décisions importantes sur le plan financier et administratif. L’habilitation familiale, qui permet à un membre de la famille de représenter la personne protégée, semble alors être une solution idéale. Mais que faire si aucun proche ne peut ou ne souhaite endosser cette responsabilité ? Peut-on désigner une personne extérieure à la famille ? Cet article détaille les conditions d’éligibilité à l’habilitation familiale et ses étapes clés. Vous y trouverez également ses avantages et limites, pour garantir la protection de votre proche dans un cadre légal.

Peut-on désigner une personne extérieure à la famille pour une habilitation familiale ? 

L’habilitation familiale est encadrée par l’article 494-1 du Code civil, qui limite strictement la désignation à des membres de la famille proche. Seules certaines personnes peuvent être habilitées à agir au nom du majeur protégé :

  • le conjoint, concubin ou partenaire de Pacs ; 
  • les enfants et les petits-enfants ;
  • les parents et les grands-parents ; 
  • les frères et sœurs.

Les beaux-frères, belles-sœurs, neveux, nièces ou toute personne extérieure à la famille sont exclus de cette mesure. Cette restriction vise à garantir que la gestion des affaires du majeur soit confiée à des proches ayant des liens directs et une connaissance approfondie de la situation.

En l’absence de proches pouvant assumer ce rôle, une tutelle ou curatelle[4][3] sous contrôle judiciaire peut être envisagée.

L’habilitation familiale peut-elle être partagée entre plusieurs membres de la famille ? 

L’habilitation familiale peut effectivement être partagée entre plusieurs membres de la famille proche, sous réserve de l’approbation du juge des contentieux de la protection. Ce dernier désigne généralement jusqu’à deux personnes pour assumer cette responsabilité, en veillant à une répartition claire des missions. 

Selon les besoins, le juge attribuera à chaque habilité des domaines spécifiques : l’un pourra être chargé de la gestion des biens, tels que les comptes bancaires et le patrimoine immobilier, tandis que l’autre prendra en charge les décisions personnelles, comme les questions médicales ou administratives. Cette organisation permet de répartir les tâches et d’assurer une protection plus équilibrée du majeur vulnérable.

Qui peut demander la mise en place d’une habilitation familiale ? 

La mise en place d’une habilitation familiale peut être demandée par : 

  • les membres de la famille éligibles comme le conjoint, les enfants ou les frères et sœurs. La demande doit s’accompagner d’un argumentaire expliquant la nécessité de la mesure ; 
  • la personne concernée elle-même. Depuis la loi du 23 mars 2019, la personne à protéger peut demander, de manière anticipée, la mise en place d’une habilitation familiale si elle est encore capable d’exprimer sa volonté ; 
  • le procureur de la République peut intervenir d’office ou sur signalement d’un proche, notamment en cas d’urgence ou si aucun membre de la famille ne se manifeste pour protéger la personne vulnérable.

Pour que la procédure soit validée, un dossier complet doit être déposé auprès du juge des contentieux de la protection. Ce dossier inclut le formulaire Cerfa n°15891 ainsi qu’un certificat médical circonstancié établi par un médecin agréé. Ce certificat doit démontrer l’incapacité de la personne à gérer ses affaires et justifier la nécessité d’une habilitation.

Qui doit donner son accord pour une habilitation familiale ?

L’accord du juge des contentieux de la protection est essentiel pour valider l’habilitation. Le juge désigne la ou les personnes habilitées, détermine l’étendue et la durée de la mesure, et précise si la mission sera de représentation (prise de décisions) ou d’assistance (accompagnement).

Un consensus familial est indispensable. En l’absence d’opposition, l’habilitation peut être prononcée. En cas de désaccord ou de conflits familiaux, le juge peut privilégier une curatelle[3] ou une tutelle[4] pour mieux protéger la personne concernée.

Il est possible de faire appel de la décision dans les 15 jours suivant sa notification, notamment par la personne protégée, l’habilité ou un proche. La décision est ensuite enregistrée en marge de l’acte de naissance du majeur.

proches d'un senior sous habilitation familiale

Quels sont les actes autorisés par l’habilitation familiale ? 

En fonction des besoins et de l’intérêt de la personne protégée, le juge des contentieux de la protection décide si l’habilitation familiale est générale ou limitée.

L’habilitation familiale générale

L'habilitation familiale générale permet à la personne désignée par le juge d’accomplir tous les actes nécessaires à la gestion des biens du majeur protégé, qu'il s’agisse d’actes administratifs, tels que la conclusion d’un bail ou de disposition, tel qu’une vente immobilière. Dans le cas d’un placement en EHPAD par habilitation[1], le représentant désigné aura le pouvoir de représenter son parent âgé dans tous les aspects de sa vie.

L’habilitation familiale limitée

Dans certains cas, l’habilitation peut être limitée à des actes spécifiés par le juge. La personne habilitée pourra alors accomplir les mêmes types d'actes que pour l’habilitation générale, mais uniquement dans les domaines définis par le juge. Cette mesure s’inspire des règles appliquées dans le cadre de la curatelle[3] ou de la tutelle[4]. Par exemple, elle pourrait être limitée à la gestion d’un bien particulier ou à des décisions spécifiques concernant la personne protégée.

Actes nécessitant l'accord du juge

Pour certains actes, comme une donation à titre gratuit, la personne habilitée devra obtenir l’accord préalable du juge. Par ailleurs, ce dernier devra également donner son accord en cas de conflit d'intérêt entre la personne habilitée et le majeur protégé sur un acte en particulier.

Représentation versus assistance

Le juge peut également choisir d’opter pour une assistance plutôt qu’une représentation. Dans ce cas, la personne habilitée n'agit pas en remplacement du majeur protégé, mais l'assiste dans l’accomplissement de certains actes. Par exemple, elle apposera sa signature à côté de celle du majeur protégé pour des actes écrits. Cette approche permet à la personne protégée de conserver une plus grande liberté, tout en étant accompagnée pour les actes complexes où des erreurs pourraient survenir en raison de ses facultés altérées.

Quels sont les avantages et les inconvénients de l’habilitation familiale ?

Avant de choisir l'habilitation familiale comme solution de protection pour un proche vulnérable, il est essentiel de peser les avantages et les inconvénients de cette mesure.

Les avantages

L’un des principaux avantages de l’habilitation est qu’elle permet de maintenir la mesure de protection dans un cadre familial, ce qui peut être plus rassurant et adapté pour la personne protégée. 

En outre, par rapport à des mesures de protection comme la tutelle[4] ou la curatelle[3], l’habilitation familiale est généralement plus rapide et simple à mettre en place. Comme le juge est moins impliqué dans la gestion quotidienne, la personne habilitée peut agir rapidement. Cette réactivité est cruciale en cas d’urgence.

L’habilitation familiale est plus souple que d’autres mesures de protection, en s’appuyant sur la confiance envers le membre de la famille désigné. Ce modèle évite des démarches administratives complexes et fastidieuses, ce qui est un atout dans des situations où la personne protégée a encore une capacité à prendre certaines décisions.

Les inconvénients

L’un des principaux inconvénients de l’habilitation familiale réside dans le manque de contrôle sur la gestion des actes par la personne habilitée. En l'absence de surveillance judiciaire continue, il existe un risque que la personne habilitée abuse de sa position pour son propre intérêt personnel, au détriment de la personne protégée. Par exemple, des détournements de fonds ou des manipulations financières peuvent survenir si le proche désigné n'agit pas dans le meilleur intérêt du majeur vulnérable.

Contrairement à la mise sous tutelle[4], où le tuteur est régulièrement contrôlé par le juge, l’habilitation familiale ne nécessite pas de compte-rendu périodique de gestion. Bien que cet avantage facilite la gestion au quotidien, il peut également devenir un inconvénient en cas d’abus, car il n’y a pas de supervision judiciaire régulière pour s’assurer que les actions de la personne habilitée sont dans l’intérêt du protégé.

En conclusion, l’habilitation familiale représente une solution souple et rapide pour la gestion des affaires d’une personne vulnérable, offrant un cadre familial rassurant. Cependant, cette mesure comporte des risques, notamment l'absence de contrôle régulier, ce qui peut entraîner des abus ou des négligences. Il est donc crucial de désigner une personne de confiance et d'être vigilant quant à la gestion des affaires du protégé. Si les conditions familiales sont complexes ou conflictuelles, des alternatives telles que la tutelle[4] ou la curatelle[3] pourraient être envisagées pour une protection plus encadrée.

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